
La grande majorité des affections rencontrées lors de la consultation des reptiles est en rapport avec des conditions de vie qui ne correspondent pas aux besoins de ces espèces. Les reptiles se caractérisent par un grand nombre d’habitats différents, des besoins en température et hygrométrie spécifiques à chaque individu mais aussi des habitudes et des besoins alimentaires très stricts ce qui rend leur maintient en captivité parfois très compliqué et en fait des animaux véritablement à part.
Le propriétaire de ce type d’animal devra tout mettre en œuvre pour reproduire de la façon la plus fidèle ses conditions idéales de vie et distribuer des aliments en rapport non seulement avec ses besoins nutritionnels mais aussi avec ses habitudes alimentaires, ce qui en pratique est loin d’être facile.
LES BESOINS
Les reptiles sont avant tout des animaux poïkilothermes (leur température interne varie selon les conditions extérieures) ectothermes (la chaleur est captée dans le milieu extérieur). Cette caractéristique a un impact direct sur leur métabolisme qui est très réduit en regard des animaux homéothermes (il correspond à 25 à 35% du métabolisme basal d’un mammifère à titre de comparaison). Les reptiles doivent être maintenus en captivité à des températures aussi proche que possible de leur température moyenne préférentielle (TMP), qui varie d’une espèce à l’autre.
Calcul besoins énergétiques : k * 32 * P 0,77 kcal/j
Tous types de régimes alimentaires existent chez les reptiles (confère tableau ci-dessous).
Besoins en eau
Tous les reptiles en captivité nécessitent un apport en eau adéquat. Selon le mode de vie, les besoins en eau varient. Ainsi, certaines espèces désertiques trouvent suffisamment d’eau dans leur nourriture alors que d’autres nécessitent de grandes quantités d’eau pour éviter la déshydratation, une uricémie augmentée voire l’apparition de goutte. De façon très schématique, les besoins en eau par administration parentérale sont de 10 à 30 ml/kg/j et correspondent
globalement à 1 ml d’eau par kcal de nourriture administrée. Afin d’éviter toute erreur zootechnique, le mode de distribution de l’eau doit correspondre aux habitudes de l’animal.
Besoins en minéraux et en vitamines
Des vitamines et des minéraux (surtout calcium et vit D3 → distribution d'UV B) doivent être ajoutés aux rations composées d’invertébrés, de légumes et de proies désossées et/ou éviscérées. Plusieurs sources de calcium sont actuellement disponibles sur le marché. Le carbonate de calcium est le plus fréquemment utilisé mais attention son absorption est très mauvaise. La supplémentation en calcium de l'alimentation des proies est un plus indéniable.
LES ALIMENTS DISPONIBLES
De très nombreux aliments sont désormais disponibles afin de répondre aux besoins très spécifiques de ces animaux : petits vertébrés vivants ou morts et congelés, invertébrés, végétaux, aliments industriels. Ils n’ont pas tous les mêmes valeurs nutritionnelles si bien que la règle d’or en herpétologie est de varier le plus possible les sources alimentaires.
Vertébrés
Les rats et les souris sont les proies les plus fréquemment distribuées. Ils sont disponibles en proies vivantes ou congelées et il en existe une grande variété dans les tailles et couleurs. Ces proies, pour peu qu’elles aient été correctement alimentées, constituent un aliment équilibré pour les reptiles carnivores ou omnivores qui les consomment (protéines musculaires de haute qualité, graisse du tissu adipeux, vitamines provenant du foie, minéraux du squelette, iode thyroïdien…).
Invertébrés
De nombreux invertébrés sont désormais disponibles dans le commerce pour répondre aux besoins des reptiles. Ils apportent de bonnes quantités d’énergie métabolisable. Si elles sont correctement alimentées, ces proies peuvent contenir jusqu’à 30% de protéines de très bonne qualité, 40% de graisses et moins de 15% d’hydrates de carbone. Leur rapport phospho-calcique est néanmoins très faible (sauf escargots et vers de terre), ce qui implique une supplémentation en calcium pour les espèces insectivores.
Végétaux
Les reptiles herbivores (certains lézards et tortues) ont des habitudes alimentaires spécifiques selon leur habitat si bien qu’il est parfois difficile de simplifier leur régime en un simple régime tous végétaux et espérer pouvoir leur faire accepter n’importe quel légume ou fruit. Certaines espèces accepteront mieux des végétaux plutôt secs (foin, cactées, croquettes pour herbivores…) correspondant à leur mode de vie désertique alors que d’autres, vivant en milieu tropical, accepteront volontiers une ration plus riche en fruits.
Une grande quantité de légumes verts sont désormais disponibles toute l’année. Leur qualité nutritionnelle n’est pas égale et leur sélection devra être raisonnée par des critères incluant leur taux de fibres, leur rapport phospho-calcique, la présence de vitamines, leur appétence … Les principaux légumes verts utilisés sont l'endive, la scarole, la romaine, le pissenlit, le choux, le choux frisé et le cresson.
Les autres légumes sont fréquemment une bonne source de protéines et de calcium pour les reptiles herbivores. Les courgettes, carottes râpées, poivrons doux, patates douces râpées, potiron, haricots, soja, pousses de bambou… constituent un menu intéressant. Des germes de légumes peuvent également être utilisés car souvent très riches en protéines végétales (germes de luzerne, de haricots mongo, d’avoine, de radis…).
Les fruits sont consommés par la plupart des reptiles vivant en milieu tropical. Il convient de leur proposer des bananes, de la mange, de la papaye, des figues, goyaves, kiwi, melon, pêche, poire, ananas, pastèque et parfois quelques baies comme des fraises, framboises, mures, myrtilles…
Les feuilles et pétales de fleurs ne doivent pas être traités par des herbicides ou tout autre produit potentiellement toxique. Certains sont friands de feuilles de ficus (caméléon casqué), de vigne et des fleurs de trèfle, de pissenlit ou pétales d’hibiscus de rose ou de capucine (iguanes, lézard fouette queue, tortues terrestres…).
Lorsque le foin est de bonne qualité, il apporte 25 à 40% (MS) de fibres fermentées dans le cæcum de certaines espèces, libérant ainsi des acides gras volatiles, source d’énergie importante pour les cellules de l'intestin.
De nombreuses tortues peuvent vivre correctement sur des pelouses ou prairies. Elles doivent pouvoir s’alimenter à partir des espèces végétales qui poussent dans leur environnement comme le trèfle, la luzerne mais aussi certaines graminées comme les dactyles, digitaires, fléoles…
Aliments industriels
Une grande quantité d’aliments industriels existent pour les reptiles plus ou moins adaptés à leur régime alimentaire. Ils se présentent la plupart du temps sous forme de croquettes ou de bouchons extrudés.
Les aliments destinés aux reptiles herbivores ou omnivores se présentent sous forme d’extrudés ou de croquettes, contenant des végétaux et des protéines animales, aux couleurs, odeurs et formes variées.
Les aliments destinés aux reptiles carnivores dérivent de ceux utilisés en pisciculture et répondent assez bien aux besoins protéiques et énergétiques mais nécessitent fréquemment une supplémentation en vitamines, détruites par les techniques de fabrication de ces aliments. Ils peuvent être utilisés en ‘dépannage’ mais ne doivent en aucun cas constituer une ration quotidienne, même si, lorsqu’on examine les formules de ces aliments, elles semblent correspondre aux besoins de certains reptiles.
LE MODE DE DISTRIBUTION
La grande majorité des reptiles herbivores consomment leur nourriture pendant ou après la période la plus chaude de la journée, ce qui facilite en particulier leur digestion.
Les aliments doivent être proposés à la mi journée et retirés en soirée. L’idéal est de les présenter dans une soucoupe plutôt qu’une gamelle plus difficile d’accès. La taille des aliments doit être adaptée à la bouche des animaux qui les consomment et les aliments les plus durs seront râpés.
Afin d’optimiser l’acceptation des proies par certains reptiles, les techniques de distribution sont essentielles.
La distribution de proies mortes est recommandée pour les serpents et certains lézards, surtout lorsqu’il s’agit de petits rongeurs. Ces derniers peuvent, s’ils sont mal alimentés, s’attaquer à leur prédateur ou lui infliger des blessures en se défendant ce qui risque d’induire un stress important et entraîner une anorexie prolongée.
L’idéal est donc de distribuer une proie fraîchement tuée car elle conserve toutes ses caractéristiques organoleptiques et nutritionnelles. Il est possible de s’approvisionner en proies congelées qui doivent être réchauffées lentement au bain mari. Attention, ne pas utiliser le micro-onde (risque de brûlures car la chaleur n'est pas homogène dans la proie). Malheureusement, certains reptiles mal habitués n’acceptent pas ce type de proie et ne s’alimenteront qu’avec des proies vivantes. Dans ce cas, il est primordial de surveiller le repas et de retirer l'aliment s'il n'est pas ingéré dans le ¼ d'heure.
Les proies mortes doivent toujours être proposées à l’aide de pinces et jamais à la main afin d’éviter tout accident, surtout lorsqu’il s’agit de reptiles de grande taille. Certains éleveurs déplacent leur serpent dans des terrariums spécifiques pour les repas afin d’éviter toute confusion entre manipulation et repas et éviter de se faire mordre par leur serpent. Il faut également respecter les heures de repas selon les espèces. Certains reptiles vont chasser toute la journée alors que d’autres espèces ne s’alimenteront que la nuit (geckos nocturnes, certains serpents comme le python royal).
Pour les reptiles insectivores les proies sont proposées à la pince ou sont lâchés dans le terrarium ce qui stimule l’instinct de chasse et augmente l’exercice physique du reptile. Ne pas oublier dans ce cas de mettre de la nourriture pour les proies dans le terrarium, ainsi que de l’eau. Leur taille ne doit pas excéder la taille de la tête du reptile qui va la consommer. Afin de limiter les lésions buccales, il est parfois recommandé d’arracher les pattes postérieures des criquets, dont les petits crochets peuvent être vulnérants. La plupart des insectes doivent être roulés ou saupoudrés de poudre de calcium ou de vitamines car leur rapport phospho-calcique est souvent inadapté. Afin de prévenir les carences nutritionnelles du reptile, il est important de bien nourrir les proies, avec des aliments riches en calcium.
Les quantités de nourriture à distribuer varient selon l’espèce, son âge, son environnement et son état physiologique. Un très jeune lézard carnivore ou serpent va nécessiter en moyenne une à deux proies par semaine alors qu’un serpent adulte se satisfait d’une à deux proies toutes les unes à deux semaines. Les tortues adultes carnivores seront alimentées deux à trois fois par semaine au maximum.